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Des mesures effectuées au CERN permettent de réévaluer l'élément de la vie

The new results will influence estimates of the time for the evolution of stars such as Betelgeuse (top left in the constellation Orion), seen here by NASA's Hubble Space Telescope. (Andrea Dupree (Harvard-Smithsonian CfA), Ronald Gilliland (STScI), NASA and ESA.)

Les nouveaux résultats influenceront les estimations du temps de l'évolution des étoiles telles que Betelgeuse (coin supérieur gauche de la constellation d'Orion), vue ici grâce au télescope spatial Hubble de la NASA.

Genève, le 13 janvier 2005. Les résultats d'expériences menées au CERN1 et à l'accélérateur du Laboratoire de Jyväskylä, en Finlande, publiés dans le numéro de Nature2 d’aujourd’hui exposent sous un jour nouveau la réaction primaire de formation du carbone dans les étoiles. Tout le carbone de l’Univers, donc aussi celui qui est nécessaire aux formes de vie basées sur cet élément comme nous-mêmes, êtres humains, a vu le jour au cœur des étoiles, dans la « réaction triple alpha ». Les nouvelles découvertes montrent que cette réaction est plus rapide qu’on ne le croyait et elles ont des répercussions majeures sur l’astrophysique, depuis la formation des premières étoiles jusqu’à la création des éléments les plus lourds dans les supernovae.


Genève, le 13 janvier 2005. Les résultats d'expériences menées au CERN1 et à l'accélérateur du Laboratoire de Jyväskylä, en Finlande, publiés dans le numéro de Nature2 d’aujourd’hui exposent sous un jour nouveau la réaction primaire de formation du carbone dans les étoiles. Tout le carbone de l’Univers, donc aussi celui qui est nécessaire aux formes de vie basées sur cet élément comme nous-mêmes, êtres humains, a vu le jour au cœur des étoiles, dans la « réaction triple alpha ». Les nouvelles découvertes montrent que cette réaction est plus rapide qu’on ne le croyait et elles ont des répercussions majeures sur l’astrophysique, depuis la formation des premières étoiles jusqu’à la création des éléments les plus lourds dans les supernovae.

« Le monde subatomique entretient avec le cosmos une relation fascinante. Le carbone, par exemple, présente un problème ancien à la résolution duquel de nombreux géants de la physique ont apporté leur contribution. Il est plaisant d’être en mesure de répondre aujourd’hui à certaines des questions qu’ils nous ont léguées. Ce sont les progrès technologiques réalisés depuis leur époque, par exemple à ISOLDE, qui ont rendu possibles ces découvertes », déclare Hans Fynbo, principal auteur de l’article, de l’université d’Århus.

Le big-bang n’a pratiquement produit que de l’hydrogène (de masse 1) et de l’hélium (de masse 4), car il n’existe pas de noyaux atomiques stables ayant des masses de 5 et de 8. En revanche, dans le cœur des étoiles, le carbone (de masse 12) peut se former au cours de la réaction triple alpha, dans laquelle trois noyaux d’hélium (particules alpha) fusionnent pour donner un noyau de carbone 12.

Plutôt que de recréer les conditions torrides qui règnent au cœur des étoiles, l’équipe des chercheurs du CERN et de huit autres universités et instituts européens a observé cette réaction dans son déroulement inverse, c’est-à-dire lorsque des noyaux de carbone 12 se scindent en trois particules alpha. Pour ce faire, ils ont créé du bore 12 et de l'azote 12, qui sont des isotopes à vie brève des éléments encadrant le carbone dans le tableau périodique. Le bore 12 et l’azote 12 ont été produits respectivement dans l’installation ISOLDE du CERN et IGISOL auprès de l’accélérateur du Laboratoire de Jyväskylä, à l’université de Jyväskylä. Ces noyaux instables se sont rapidement transformés en carbone 12 par désintégration bêta, durant laquelle un proton se change en neutron ou vice-versa, puis le carbone 12 s’est scindé en trois particules alpha.

La méthode ISOL (séparation d’isotopes en ligne), inventée et développée essentiellement au CERN, a joué un rôle important dans ces expériences. « Tandis qu’ISOLDE, au CERN, pouvait produire le bore 12, IGISOL, à Jyväskylä, était nécessaire pour obtenir l’azote 12. Cette installation finlandaise a été spécialement mise au point pour compléter les performances d’ISOLDE grâce à sa capacité de créer des radionucléides à très courte vie d’éléments chimiques tels que l’azote », a précisé Juha Äysto, chef du groupe responsable de l'expérience à l'université de Jyväskylä.

En mesurant précisément les instants d’émission et les énergies des particules alpha expulsées des échantillons, les chercheurs ont pu déduire les états des noyaux de carbone juste avant la désintégration. Munis de ces données, ils ont pu déterminer la rapidité de la réaction triple alpha sur une large plage de températures, de 0,01 à 10 milliards de kelvins.

Pour les conditions qui prévalent dans la plupart des étoiles, la vitesse du processus triple alpha calculée par les chercheurs concorde avec les calculs précédents. Cependant, leurs découvertes suggèrent que cette réaction était bien plus rapide aux températures relativement basses des premières étoiles de l’Univers (environ 50 millions de kelvins), dépourvues de carbone, ce qui implique que la quantité de carbone catalysant la combustion de l'hydrogène dans les premières étoiles a été produite deux fois plus vite qu’on ne le pensait auparavant.

A haute température (plus de 10 milliards de kelvins), les nouveaux résultats montrent que le processus triple alpha serait bien plus lent que ne l’indiquaient les estimations précédentes, modifiant ainsi la production d’éléments – ou nucléosynthèse – dans les supernovae. Ces explosions d’étoiles massives et anciennes sont une source majeure des éléments les plus lourds, plus massifs que le fer, produits dans les interactions favorisées par l’onde de choc. Les résultats obtenus dernièrement suggèrent une moindre formation de nickel 56, avec les conséquences que cela entraîne pour les éléments plus lourds. 

Ce travail a été mené à bien par une équipe des chercheurs du CERN et huit autres universités et instituts européens3.

1. Le CERN, Laboratoire européen pour la physique des Particules, a son siège à Genève. Ses Etats membres actuels sont les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, France, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Royaume-Uni, Suède et Suisse. L'Inde, Israël, le Japon, la Fédération de Russie, les Etats-Unis d'Amérique, la Turquie, la Commission européenne et l'UNESCO ont le statut d'observateur.
2. Nature Vol 433, Numéro 7022, pp 136-139.
3. La collaboration se compose des membres suivants : Hans O.U. Fynbo, Département de physique et d’astronomie, université d’Århus, 8000 Århus C, Danemark; Christian Aa. Diget, Département de physique et d’astronomie, université d’Århus, 8000 Århus C, Danemark; Uffe C. Bergmann, CERN, CH-1211 Genève 23, Suisse; Maria J.G. Borge, Instituto Estructura de la Materia, CSIC, Serrano 113bis, E-28006, Madrid, Espagne; Joakim Cederkäll, CERN, CH-1211 Genève 23, Suisse; Peter Dendooven, KVI, Zernikelaan, 9747 AA Groningue, Pays-Bas; Luis M. Fraile, CERN, CH-1211 Genève 23, Suisse; Serge Franchoo, CERN, CH-1211 Genève 23, Suisse; Valentin N. Fedosseev, CERN, CH-1211 Genève 23, Suisse; Brian R. Fulton, Département de physique, université d’York, Heslington, Royaume-Uni;
Wenxue Huang, Département de physique, université de Jyväskylä, FIN-40351 Jyväskylä, Finlande; Jussi Huikari, Département de physique, université de Jyväskylä, FIN-40351 Jyväskylä, Finlande; Henrik B. Jeppesen, Département de physique et d’astronomie, université d’Århus, 8000 Århus C, Danemark; Ari S. Jokinen, Département de physique, université de Jyväskylä, FIN-40351 Jyväskylä, Finlande, Institut de physique d’Helsinki, FIN-00014, université d’Helsinki, Finlande; Peter Jones, Département de physique, université de Jyväskylä, FIN-40351 Jyväskylä, Finlande; Björn Jonson, Physique expérimentale, université de technologie Chalmers et université de Göteborg, S-41296 Göteborg, Suède; Ulli Köster, CERN, CH-1211 Genève 23, Suisse;
Karlheinz Langanke, Département de physique et d’astronomie, université d’Århus, 8000 Århus C, Danemark; Mikael Meister, Physique expérimentale, université de technologie Chalmers et université de Göteborg, S-41296 Göteborg, Suède; Thomas Nilsson, CERN, CH-1211 Genève 23, Suisse; Göran Nyman, Physique expérimentale, université de technologie Chalmers et université de Göteborg, S-41296 Göteborg, Suède; Yolanda Prezado, Instituto Estructura de la Materia, CSIC, Serrano 113bis, E-28006, Madrid, Espagne; Karsten Riisager, Département de physique et d’astronomie, université d’Århus, 8000 Århus C, Danemark; Sami Rinta-Antila, Département de physique, université de Jyväskylä, FIN-40351 Jyväskylä, Finlande;
Henrik B. Jeppesen, Département de physique et d’astronomie, université d’Århus, 8000 Århus C, Danemark; Ari S. Jokinen, Département de physique, université de Jyväskylä, FIN-40351 Jyväskylä, Finlande, Institut de physique d’Helsinki, FIN-00014, université d’Helsinki, Finlande; Peter Jones, Département de physique, université de Jyväskylä, FIN-40351 Jyväskylä, Finlande; Björn Jonson, Physique expérimentale, université de technologie Chalmers et université de Göteborg, S-41296 Göteborg, Suède; Ulli Köster, CERN, CH-1211 Genève 23, Suisse;